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offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés », il s’arrêta, se rappelant ce qu’avait dit le diacre qu’il avait rencontré, la veille, ivre et marmottant de façon à ce qu’on pût l’entendre : « Les pharisiens, les hypocrites ». Les mots, pharisiens, hypocrites, avaient particulièrement offensé Vassili Davidovitch, précisément parce qu’il se reconnaissait enclin à tous les vices sauf l’hypocrisie. Et il était fâché contre le diacre. « Comme nous pardonnons », prononça-t-il, et à part : « Dieu le garde ! » et il continua sa prière. Aux paroles : « Ne nous induis pas à la tentation », il se rappela que la veille, après le service qu’il avait célébré chez le riche propriétaire Moltchanoff, il avait pris avec plaisir du thé avec du rhum.

Sa prière terminée, il se regarda dans un petit miroir qui déformait le visage, sépara par une raie médiane ses cheveux blonds qui laissaient déjà au sommet de la tête une calvitie assez marquée, et avec plaisir il regarda son visage large, bon, avec une barbiche rare, jeune malgré ses quarante-deux ans, puis il passa dans le petit salon où sa femme venait d’apporter le samovar.

— Pourquoi fais-tu cela toi-même ? Et Thécla ?

— Quoi, moi-même ? répondit-elle. — Et qui donc le fera ?

— Pourquoi si tôt ?

— On est venu te chercher de Vozdremo. Une femme se meurt.

— Il y a longtemps qu’on est venu ?

— Oui, déjà un peu de temps.