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talent de causeur ; il chantait, jouait de la guitare, et, principalement, il n’avait pas de prétentions. Il était intelligent, beau, saisissait très vite, et était toujours de bonne humeur.

En attendant il réfléchissait où il devait rester, et, malgré son insouciance, il examinait sérieusement les chances de tel ou tel service. Sur ces entrefaites il avait fait la connaissance des Voronoff, qui l’invitèrent à venir chez eux à la campagne. Il accepta, resta une semaine, et partit. Une semaine plus tard il revenait faire sa demande. On l’avait acceptée avec joie. Il était un beau parti ; on les fiança.

— Mais il n’a rien d’extraordinaire, disait le père Voronoff à sa femme, qui était près de sa table et le regardait tristement. — Il est bon, il est bon ! Il ne s’agit pas de bonté… Il a déjà vécu. Je connais bien cette race des Lotoukhine… Et puis il n’a rien, sauf de bonnes intentions, son service. La dot que nous donnerons ne suffira pas…

— Mais ils s’aiment. Et ils ont agi si loyalement, disait-elle, douce et triste.

— Oui, sans doute, ils sont tous pareils… Mais moi j’aurais désiré mieux pour Barbe. Une nature si droite, si tendre… On pouvait espérer mieux pour elle. Mais que faire ? Allons.

Ils sortirent.


Au commencement, papa paraissait mécontent, pas très mécontent, mais triste, pas naturel. Je le connais. Il a l’air de lui déplaire. Cela je ne puis