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allongé ; il portait les aiguillettes et le chiffre d’aide de camp de l’empereur. Son partenaire était un licencié de l’Université de Pétersbourg, que la princesse Vorontzoff avait fait venir récemment pour être le précepteur de son fils, né d’un premier mariage, un garçonnet chevelu à l’air morne. En face d’eux étaient assis deux officiers : l’un, Poltoradski, au large visage rouge, qui, de la garde, avait été nommé commandant d’une compagnie ; l’autre, l’aide de camp du colonel, un officier qui se tenait très droit et dont le joli visage gardait une expression très froide.

La princesse Marie Vassilievna était, elle, une femme grande, avec de grands yeux, des sourcils noirs, une vraie beauté. Elle était assise près de Poltoradski (sa crinoline touchait son pied) et regardait son jeu. Dans ses paroles, ses regards, son sourire, dans tous les mouvements de son corps et dans les parfums qui s’exhalaient de sa personne, il y avait quelque chose qui amenait Poltoradski à l’oubli de tout, sauf la conscience de sa présence ; et il faisait faute sur faute, irritant de plus en plus son partenaire.

— Oh non ! C’est impossible ! Il a encore laissé passer l’as ! prononça tout à coup l’aide de camp à une faute de Poltoradski.

Celui-ci, comme s’il venait de s’éveiller et ne comprenait pas de quoi il était question, regardait de ses bons yeux noirs, largement écartés, l’aide de camp mécontent.

— Eh bien, pardonnez-lui, intervint Marie