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III

Les fenêtres de la caserne et des petites cabanes des soldats étaient noires depuis longtemps, mais celles d’une des plus importantes maisons de la forteresse étaient encore éclairées. Cette maison était occupée par le commandant du régiment de Kouransk, le prince Simon Mikhaïlovitch Vorontzoff, aide de camp de l’empereur, fils du général commandant en chef. Vorontzoff habitait là avec sa femme, Marie Vassilievna, célèbre beauté de Pétersbourg, et il vivait dans cette petite forteresse du Caucase avec un tel luxe, que personne ici n’avait jamais rien vu de pareil. Vorontzoff, et surtout sa femme, trouvaient qu’ils menaient ici une vie plus que modeste, faite même de privations, tandis que cette vie étonnait les habitants du pays par son luxe extraordinaire.

À minuit, dans un grand salon au parquet recouvert de tapis, dont les lourdes portières étaient baissées, les maîtres de la maison et leurs hôtes étaient assis devant une table à jeu, éclairée de quatre bougies, et jouaient aux cartes.

L’un des joueurs était le maître de la maison lui-même, le colonel Vorontzoff. Il était blond, le visage