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d’un esprit tout à fait sceptique. Mais, demeurée sans enfants, sans occupation, après avoir eu pendant quarante ans le souci de la famille, elle avait besoin de se dépenser de quelque façon. Chez ses enfants mariés elle n’avait pas trouvé ce qu’elle cherchait, aussi avait-elle résolu de vivre dans l’isolement, espérant trouver la consolation où d’autres l’avaient trouvée, dans la religion. Évidemment elle en avait gros le cœur, mais elle était orgueilleuse pour elle et pour ses enfants, et elle ne me laissa deviner sa situation que par des allusions.

Quand je la questionnai sur ses enfants, que je connaissais bien, elle me répondit évasivement et sans les blâmer, mais je compris qu’elle cachait en son cœur non pas un seul drame, mais plusieurs.

— Oui, Volodia a bien fait son chemin, me dit-elle ; il est Président de la Chambre des Domaines, et il a acheté une terre. — Oui, les enfants grandissent, trois garçons et deux filles. — Elle se tut et fronça ses sourcils noirs, retenant évidemment sa pensée et la chassant.

— Eh bien, et Basile ?

— Basile ? Toujours le même ; vous le connaissez bien.

— Alors, toujours la vie mondaine ?

— Mais oui.

— Il a aussi des enfants ?

— Oui. Trois.

Nous causâmes ainsi de tous les enfants. Mais elle parlait plus volontiers de Pétia. C’était celui