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Quand elle reprit ses sens, elle était étendue sur le dos, sur l’herbe. Un homme, qui paraissait être un ouvrier, avec une barbiche, en paletot déchiré, était accroupi devant elle et lui aspergeait le visage avec de l’eau dont il avait rempli sa bouche. Quand elle ouvrit les yeux, l’homme se signa et cracha l’eau. Cet homme était Émelian.

— Qui êtes-vous ? Où suis-je ?

— Vous êtes à Khodynka. Et moi ? Moi je suis un homme. On m’a aussi pas mal bousculé. Mais nous autres nous pouvons supporter tout, dit Émelian.

— Et qu’est-ce que c’est que ça ? Rina indiqua une quantité de petites pièces de monnaie posées sur son ventre.

— Ça ? Les gens vous croyaient morte, alors ils donnaient pour les funérailles. Et moi, quand je vous ai regardée : non, me suis-je dit, elle vit encore ; et je me suis mis à vous arroser avec de l’eau.

Rina jeta un regard sur elle et remarqua qu’elle était tout en lambeaux, la poitrine à demi-nue. Elle eut honte. L’homme comprit et lui rajusta ses vêtements.

— Ce n’est rien, mademoiselle. Tu seras vivante. Un grand nombre de personnes s’approchèrent, ainsi qu’un agent de police. Rina s’assit sur le sol, et donna son nom et son adresse. Émelian alla chercher une voiture. Une grande foule s’était assemblée.

Quand Émelian arriva avec la voiture, Rina se