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voyait les employés chargés de la distribution des cadeaux, on entendait les cris de ceux qui étaient parvenus jusqu’aux tentes ; on percevait les craquements des passerelles de bois sur lesquelles se pressait la foule. Émelian fit un effort, et il ne lui restait plus à faire que vingt pas quand, tout à coup, il entendit sous ses pieds, ou plutôt, entre ses pieds, des cris et des pleurs d’enfant. Émelian regarda. Un enfant, les cheveux en désordre, la blouse déchirée, couché sur le ventre, criait désespérément et s’agrippait à ses jambes. Quelque chose frappa Émelian au cœur. La peur pour sa propre personne disparut, ainsi que la colère contre les hommes. Il eut pitié de l’enfant. Il se pencha, le saisit sous le ventre, mais les gens qui étaient derrière lui le poussaient tellement que lui-même faillit tomber et laissa échapper l’enfant. Mais rassemblant toutes ses forces, de nouveau il saisit l’enfant et le hissa sur son épaule. Ceux qui poussaient se mirent à pousser plus modérément et Émelian porta l’enfant.

— Donne-le ici ! cria un cocher qui se trouvait à côté d’Émelian. Il prit l’enfant et l’éleva au-dessus de la foule.

— Passez-le par-dessus les gens !

Et, se retournant, Émelian vit l’enfant emporté de plus en plus loin, tantôt plongeant dans la foule, tantôt émergeant au-dessus des épaules et des têtes des gens.

Émelian continua à avancer.

Il était impossible de ne pas suivre le mouve-