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cet été, l’avait arrêté parce qu’il était ivre-mort ; cet agent n’est plus agent mais général, et l’invite à venir au restaurant entendre l’orchestre. Et l’orchestre joue, et on dirait une pendule qui frappe les heures…

Sémionitch s’éveille. Il entend que la pendule sonne, que, derrière la porte, la logeuse Marie Iakovlevna tousse, et que, par la fenêtre, il fait déjà plus clair qu’hier soir. « Pourvu que je n’aie pas manqué l’heure ! »

Émelian se lève, va pieds nus derrière la cloison, éveille Jacques. Il graisse ses cheveux, s’habille, se peigne, et se regarde dans son miroir cassé.

— « Pas mal ! Je suis assez bien. C’est pourquoi les femmes m’aiment. »

Il va chez la logeuse. Comme c’était convenu la veille, il prend dans son sac un gâteau, deux œufs, du jambon, une demi-bouteille d’eau-de-vie ; et l’aube blanchit à peine quand lui et Jacques sortent de la cour, se dirigeant vers le parc Pétrovsky. Ils ne sont pas seuls. Devant, derrière, de tous côtés, sortent et se massent des hommes, des femmes, des enfants, tous gais, bien habillés et se dirigeant du même côté. Et on arrive ainsi jusqu’au champ de Khodynka. Le champ est déjà noir de monde. De différents côtés s’aperçoit de la fumée : la matinée est froide, et les gens se sont procuré du bois, des branchages, et ont fait des bûchers.

Émelian rencontra des camarades, et ensemble ils firent, eux aussi, un bûcher autour duquel ils