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DEUX PÈLERINS



DEUX hommes, le sac sur le dos, cheminaient sur la route poudreuse, entre Moscou et Toula. L’un d’eux, un jeune homme, portait une pelisse courte de peau de mouton et un pantalon de velours. Au-dessous de son bonnet de paysan, neuf, des lunettes couvraient ses yeux. L’autre était un homme d’une cinquantaine d’années, d’une beauté remarquable, à la longue barbe grisonnante ; il était vêtu d’un froc ceint d’une courroie, et sur ses longs cheveux grisonnants était posé un haut bonnet rond, noir, comme en portent les sacristains de couvents.

Le jeune homme était jaune, pâle, couvert de poussière, et paraissait se traîner à peine sur ses jambes. Le vieillard marchait gaillardement, en bombant sa poitrine et balançant ses bras. On eût dit que la poussière n’osait pas souiller son beau visage et que son corps n’avait pas le droit de connaître la fatigue.

Le jeune homme, Serge Vassilievitch Borzine, était docteur de l’Université de Moscou. Le vieillard était un lieutenant d’infanterie en retraite, en service du temps d’Alexandre, ancien moine