Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/273

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pouvais sortir de ce cercle magique. Je prenais un livre, lisais ; j’oubliais pour une minute, et de nouveau la même question et la même horreur. Je me mettais au lit, je fermais les yeux, c’était encore pire. Dieu a fait cela, pourquoi ? On répond : N’interroge pas mais prie. Bon. J’ai prié, et je vais prier encore et encore, comme à Arzamass. Mais alors je priais tout simplement, comme un enfant ; maintenant la prière avait un sens : « Si Tu existes, révèle-Toi à moi. Pourquoi suis-je ? Oui suis-je ? » Je me prosternais ; je récitais toutes les prières que je savais, j’en composais et ajoutais : « Alors révèle-Toi, » et j’attendais la réponse. Mais la réponse ne venait pas, comme s’il n’y avait personne pouvant répondre. Et je restais seul avec moi-même. Alors je me donnai la réponse à la place de celui qui ne voulait pas répondre : « Pour vivre dans la vie future, » me répondis-je. « Alors pourquoi ce vague, cette torture ? Je ne puis croire à la vie future. J’y croyais quand je n’interrogeais pas de toute mon âme, mais maintenant je ne puis pas, je ne puis pas. Si tu existais, tu l’aurais dit à moi et aux autres hommes. Mais non, la seule chose qui existe de toi c’est le désespoir. Mais je ne le veux pas. » Je me suis révolté, je Lui ai demandé de se révéler à moi ; j’ai fait ce que font tous les fous, mais il ne s’est pas révélé. « Demandez et vous recevrez, » me rappelai-je, et je priai. Cette prière m’apporta non la consolation, mais le repos. Peut-être n’ai-je pas prié assez ? J’avais renoncé à Lui ; je ne croyais plus