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retomber au pouvoir de cette horrible angoisse, parue la première fois à Arzamass, je devais vivre toujours de la même façon.

Je suis retourné chez moi, dispos. Je n’avais pas acheté la propriété, qui était trop chère pour moi ; et je repris ma vie d’autrefois avec cette seule différence que je commençai à prier et à fréquenter l’église. Il me semblait que c’était comme auparavant, mais je me rends compte maintenant que ce n’était pas comme auparavant. Avant je vivais, et je continuais à glisser sur les rails posés alors avec la force d’autrefois, mais je n’entreprenais plus rien de nouveau. Je prenais déjà moins de part à ce qui était commencé. Tout m’ennuyait. Je devins pieux. Ma femme l’ayant remarqué m’en fit l’observation et me le reprocha. À la maison l’angoisse ne reparut pas. Mais, une fois, je partis à l’improviste pour Moscou. J’avais fait mes préparatifs dans la journée et je partis le soir. Il s’agissait d’un procès. Je suis arrivé à Moscou de très bonne humeur. En route j’avais lié conversation avec un propriétaire du gouvernement de Kharkoff ; nous avions parlé des propriétés terriennes, des Canques, de l’hôtel où descendre, des théâtres. Nous avions décidé de nous arrêter dans un hôtel de la rue Miasnitzkaia, et, le soir même, d’aller entendre Faust. Nous arrivâmes. Je pris possession d’une petite chambre. J’avais dans les narines l’odeur lourde du couloir. Le portier apporta ma valise. La femme de chambre alluma la bougie. La bougie n’éclaira que quelques instants