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Dans le petit couloir sommeillait un garçon du relai, ayant une tache sur la joue. Cette tache me parut horrible. Il me montra une chambre. La chambre était comme toutes les chambres. J’y entrai et me sentis encore plus angoissé.

— N’avez-vous pas une chambre pour me reposer ?

— Mais voilà, celle-ci.

C’était une chambre carrée, récemment blanchie. Je me souviens qu’il m’était très pénible que cette chambre fût carrée. Elle n’avait qu’une seule fenêtre avec des rideaux rouges ; une table en bois de bouleau, et un canapé aux côtés recourbés.

Nous entrâmes. Serge chauffa le samovar et prépara le thé. Je pris l’oreiller et m’allongeai sur le canapé. Je ne dormais pas ; j’écoutais comment Serge buvait son thé et m’invitait à boire. J’avais peur de me lever, de dissiper le sommeil, et j’avais peur de rester dans cette chambre. Je ne me levai pas et commençai à sommeiller. Il est probable que je m’endormis ; quand je m’éveillai il n’y avait personne dans la chambre et il faisait noir. De nouveau je m’éveillai comme dans la voiture. Je sentais qu’il ne m’était aucunement possible de m’endormir. « Pourquoi suis-je venu ici ? Où vais-je ? Me voilà ici. Aucune propriété, ni à Penza ni ailleurs, n’ajoutera ni ne diminuera rien en moi. J’en ai assez de moi. Je me suis à charge. Je veux m’endormir, m’oublier, et je ne puis pas, je ne puis pas m’en aller de moi-même. »

Je passai dans le couloir. Serge dormait sur un