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Ivanovitch, et je n’eus point honte quand Golitzine me demanda pardon.

Assez pour aujourd’hui ; la chandelle est presque consumée et je dois encore tailler des allumes. La hache est ici, mais je n’ai rien pour l’aiguiser ; du reste je ne sais pas le faire.


17 décembre. Pendant trois jours je n’ai rien écrit. J’étais souffrant. J’ai lu l’évangile, mais sans parvenir à éveiller en moi la compréhension de ce livre, cette communion avec Dieu que j’avais sentie auparavant. Jadis, plusieurs fois il m’était arrivé de penser que l’homme ne peut ne pas avoir de désirs. J’en eus toujours. Autrefois j’ai désiré la victoire sur Napoléon, la pacification de l’Europe ; j’ai désiré m’affranchir de la couronne, et mes désirs, ou étaient réalisés, et alors ils cessaient de m’intéresser, ou devenaient irréalisables et j’y renonçais. Mais tant que le désir était en voie de réalisation, ou s’il devenait irréalisable, il en paraissait de nouveaux ; et cela fut toujours ainsi avec moi. Maintenant je désirais le froid ; il est venu. Je désirais la solitude, je l’ai presque obtenue. À présent je désire écrire ma vie, et le faire de la façon la meilleure pour être utile aux hommes, et si ce vœu se réalise, ou si j’y dois renoncer, de nouveaux désirs paraîtront. Toute la vie est en cela. Alors voici ce qui m’est venu en tête : si toute la vie est dans la conception des désirs, et la joie de la vie dans leur réalisation, n’existe-t-il point toujours un désir propre à