Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/249

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sans souci, et les diamants qui partout brillaient sur lui. C’était alors très gai. On nous amenait à Tzarskoïé Selo ; nous faisions des promenades en bateau, nous creusions la terre dans le jardin, nous allions nous promener à pied ou à cheval.

Constantin, gros, roux, un petit Bacchus, comme l’appelait grand’mère, égayait tout le monde par ses plaisanteries. Il imitait tous, Sophie Ivanovna et même grand’mère. Un événement important à cette époque, ce fut la mort de Sophie Ivanovna Benkendorf, survenue un soir à Tzarskoïé Selo, en présence de notre grand’mère. Sophie Ivanovna nous avait conduits chez elle après le dîner. Elle disait quelque chose en souriant, quand, soudain, son visage devint sévère ; elle chancela, s’appuya contre la porte, glissa, et tomba lourdement. Les gens accoururent, on nous emmena. Le lendemain on nous apprit qu’elle était morte. Je pleurai longtemps, j’étais triste et ne pouvais me consoler. Tous pensaient que je pleurais à cause de Sophie Ivanovna, mais ce n’était pas elle que je pleurais ; je pleurais parce que les gens meurent, parce que la mort existe. Je ne pouvais pas croire que cela fut le sort de tous les hommes. Je me souviens qu’alors, dans mon âme d’enfant de cinq ans, parut dans toute son importance la question : Qu’est-ce que la mort ? Qu’est-ce que la vie qui se termine par la mort ? Questions essentielles qui se posent à tous les hommes ; questions auxquelles les sages cherchent en vain des réponses et que les autres tâchent d’écarter, d’oublier ! Je fis ce qui est naturel à