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et moi ! Et moi, malheureux, je tins aussi à cela !

Quelqu’un frappe à ma porte en prononçant : Au nom du Père et du Fils. Je réponds : Amen. Je vais ranger ces pages et j’irai ouvrir. Si Dieu le veut je continuerai demain.


13 décembre. J’ai peu dormi et j’ai eu de mauvais rêves. Une femme désagréable, très faible, se serrait contre moi. Je ne la craignais pas, je ne craignais pas le péché, mais j’avais peur que ma femme ne la vît, et que ce ne fût de nouveau des reproches. J’ai soixante-douze ans et ne suis pas encore libre. Dans la vie on peut se tromper, mais, le rêve donne exactement l’appréciation du degré auquel on est arrivé. Je vis aussi en rêve — et ceci m’indique encore à quel bas degré d’immoralité je me trouve — que quelqu’un m’apportait ici, dans de la mousse, des bonbons extraordinaires. Nous les avons retirés de la mousse et distribués, mais après la distribution il en restait que je gardai pour moi. Il y avait là un garçon, il avait l’aspect du fils du sultan turc, noiraud, désagréable ; il s’approche des bonbons, veut y porter la main, mais je le repousse, et cependant je sais qu’il convient beaucoup mieux à un enfant qu’à moi de manger des bonbons. Néanmoins je ne les lui donne pas, et j’éprouve pour lui un sentiment mauvais ; en même temps je sais que c’est mal. Or, chose étrange, en réalité, cela m’est arrivé aujourd’hui. Marie Martenianovna est venue chez moi aujourd’hui. Hier