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donna le nom d’Alexandre, afin, comme elle le disait, que je sois aussi grand qu’Alexandre de Macédoine et aussi saint qu’Alexandre Nevsky. Je fus baptisé, une semaine plus tard, dans la grande chapelle du Palais d’Hiver. La duchesse de Courlande me portait sur un coussin de soie ; les plus hauts dignitaires soutenaient le voile ; l’impératrice était ma marraine, et j’avais comme parrains l’empereur d’Autriche et le roi de Prusse. La chambre où je fus placé avait été aménagée sur les indications de ma grand’mère. Je ne me rappelle rien de tout cela ; je le sais d’après les récits.

Au milieu de cette grande chambre qui avait trois hautes fenêtres, se trouvait, soutenu par quatre colonnes, un baldaquin de velours avec des rideaux de soie qui tombaient jusqu’à terre. Sous le baldaquin était placé un petit lit de fer avec un matelas de cuir et une légère couverture anglaise. Les colonnes étaient entourées d’une balustrade de deux archines de hauteur, de sorte que les visiteurs ne pouvaient approcher de très près. Il n’y avait aucun meuble dans la chambre, seulement, derrière le baldaquin, se trouvait le lit de la nourrice. Tous les détails des soins corporels étaient réglés par ma grand’mère. Il était interdit de me bercer, de m’emmailloter, et de me mettre des bas. On me baignait d’abord à l’eau tiède, puis à l’eau froide. J’avais une robe particulière, d’une seule pièce, qui s’enfilait d’un coup. Aussitôt que je pus me tenir assis, on me