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faire, d’autres le feront. Sa Volonté sera exécutée. En cela est la liberté de ma volonté. Mais s’il sait ce qui sera, si tout est défini par Lui, alors la liberté n’existe pas. Je ne sais. C’est ici la limite de la pensée et le commencement de la prière. Mon Père, ce n’est pas ma volonté qui sera mais la Tienne. Viens-moi en aide, ou tout simplement, Seigneur Dieu, aie pitié et pardonne-moi. Je ne puis m’exprimer par des paroles, mais Tu connais mon cœur ; Tu es en lui.

Je me suis bien endormi. Comme toujours, par faiblesse sénile, je m’éveillai quatre ou cinq fois, et je vis en rêve que je me baignais dans la mer, que je nageais, et je m’étonnais que l’eau me soutint si haut, de sorte que je n’y pouvais plonger. L’eau était verdâtre, belle, et des gens quelconques me gênaient. Il y a des femmes sur la grève ; je suis nu et ne peux sortir. Ce rêve signifie que la force de mon corps fait obstacle mais que l’issue est proche. Je me levai avant l’aube. Je battis le briquet, mais je fus longtemps avant de pouvoir allumer la mèche. Je mis mon manteau d’élan et sortis. À travers les mélèzes et les pins couverts de neige, rougissait l’aube. J’apportai dans la chambre le bois coupé la veille, j’allumai le feu, et retournai couper d’autre bois. Le jour vint. Je mangeai des biscuits trempés. Le poêle chauffait ; je me suis mis à écrire.

Je suis né, il y a maintenant soixante-douze ans, le 12 décembre 1777, à Pétersbourg, au Palais d’Hiver. Sur le désir de ma grand’mère, on me