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d’être malade, mourant, et, après avoir convaincu et acheté le médecin, mettre à ma place Stroumenski mourant, et moi-même m’en aller, m’enfuir, cacher à tous mon identité.

Alors que je faisais tout pour que mon plan se réalisât, le 9, comme exprès, je fus pris de fièvre. Je restai au lit près d’une semaine, pendant laquelle je me fortifiais de plus en plus dans ma résolution et l’examinais. Le 16, je me levai. Je me sentais bien portant. Ce jour, comme à l’ordinaire, je me rasai, et, tout plongé dans mes réflexions, je me fis par mégarde une forte coupure près du menton. Je perdais beaucoup de sang ; je m’évanouis et tombai. On accourut ; on me releva. Je compris aussitôt que cela pouvait m’être utile pour réaliser mon projet, et, quoique je me sentisse très bien, je feignis d’être très faible, je me mis au lit et donnai l’ordre de faire venir l’aide du Dr Villiers. Villiers lui-même n’aurait pas consenti à cette substitution ; mais j’avais l’espoir d’acheter ce jeune homme. Je lui fis connaître ma résolution et le plan que j’avais formé pour la mettre à exécution ; puis, je lui promis quatre-vingt mille roubles s’il faisait ce que j’exigerais de lui. Mon plan était le suivant : Stroumenski, comme je l’avais appris le matin, était mourant et devait trépasser vers la nuit. Je me mis au lit, et, feignant d’être irrité contre tous, je n’admis personne auprès de moi, sauf le médecin acheté. La même nuit, le docteur devait amener, dans une baignoire, le corps de Stroumenski, le mettre à ma place et annoncer