Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.

II

Cette même nuit trois soldats accompagnés d’un sous-officier quittaient la forteresse d’avant-garde, Vozdvijenskaia, sise à quinze verstes de l’aoul où passait la nuit Hadji Mourad, derrière les portes de Chahguirinsk. Les soldats étaient en pelisse courte de peau de mouton et bonnets de fourrure, leurs manteaux roulés mis en travers des épaules, et ils étaient chaussés de bottes dont la haute tige dépassait le genou, comme les portaient alors les soldats du Caucase.

Les soldats, le fusil à l’épaule, marchèrent d’abord sur la route ; après environ cinq cents pas, ils quittèrent la route, firent une vingtaine de pas sur leur droite, en écrasant sous leurs bottes les feuilles sèches, puis s’arrêtèrent près d’un platane brisé dont on apercevait le tronc noir dans l’obscurité. C’était là, près de ce platane, qu’on envoyait ordinairement le guet. Les étoiles brillantes qui semblaient courir au-dessus de la cime des arbres pendant que les soldats marchaient dans la forêt, maintenant paraissaient immobiles entre leurs branches nues.

— Sacrebleu ! dit rageusement le sous-officier,