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l’exhortait à remplir ses devoirs de chrétien, le vieillard lui dit : Si, en confession, je ne disais pas la vérité sur moi, le ciel en serait étonné, et si je la disais, c’est la terre qui en serait étonnée.

Tous ces doutes, toutes ces suppositions, ont cessé d’être des doutes et sont devenus certitudes grâce au journal de Kouzmitch qu’on a retrouvé. Voici comment débute ce journal :


I

Dieu sauve mon ami inestimable Ivan Gregorievitch, pour ce refuge charmant ! Je ne suis pas digne de sa bonté et de la faveur de Dieu. Ici je suis tranquille. Moins de gens viennent chez moi et je suis seul avec mes souvenirs criminels et avec Dieu. Je tâcherai de profiter de la solitude pour décrire en détail ma vie. Elle peut être instructive pour les hommes.

Je suis né et j’ai passé quarante-sept années de ma vie parmi les tentations les plus terribles ; et non seulement je n’ai pas résisté à ces tentations mais je m’en suis grisé. J’étais séduit et je séduisais les autres. J’ai péché et j’ai forcé les autres à pécher. Mais Dieu a jeté ses regards sur moi. Toute la vilenie de ma vie, que j’ai tâché de justifier à mes propres yeux en accusant les autres, s’est enfin révélée à moi dans toute son horreur. Dieu m’a aidé à me débarrasser, non du mal, j’en suis encore plein, bien que je lutte contre