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Maintenant il ne sentait plus rien ; ses ennemis piétinaient et sabraient ce qui déjà n’avait plus rien de commun avec lui. Hadji Haga mit le pied sur le dos, en deux coups trancha la tête, puis, avec précaution, pour ne pas salir ses chaussures, la repoussa du pied. Le sang rouge vif jaillit des artères du cou ; un sang noir coula de la tête et arrosa l’herbe. Karganoff, Hadji Haga, Akhmet Khan, et tous les miliciens, comme des chasseurs autour de la bête tuée, firent cercle autour du corps de Hadji Mourad et de ses hommes. Ils lièrent Khanefi, Khan-Magom et Gamzalo, et, dispersés dans la futaie, noyés dans la fumée de la poudre, ils couraient joyeusement et triomphaient.

Les rossignols, qui s’étaient tus pendant la fusillade, de nouveau se mirent à chanter, d’abord un seul, tout près, puis les autres, dans le lointain.


La bardane écrasée au milieu du champ labouré m’a remis en mémoire cette mort.

3 décembre 1902.