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Et leur chant lui rappelait la chanson de Gamzat qu’il avait entendue la nuit précédente, en allant chercher de l’eau. Maintenant, d’un moment à l’autre, il pouvait se trouver dans la situation de Gamzat. Il pensait qu’il en serait ainsi, et, tout d’un coup, il devint soucieux. Il déplia son manteau et fit son ablution. À peine l’avait-il terminée qu’on entendit un bruit qui se rapprochait du bois. C’était le bruit d’une grande quantité de sabots de chevaux qui clapotaient dans la mare.

Bata, qui avait une vue très perçante, courut à la lisière et distingua, dans l’obscurité, une foule de cavaliers et de piétons. Khanefi aperçut une foule pareille de l’autre côté. C’était Karganoff, un chef militaire, avec ses miliciens.

« Eh bien, nous nous battrons comme Gamzat ! » pensa Hadji Mourad.

Quand l’alarme avait été donnée, Karganoff, avec une centaine de miliciens et de cosaques, s’était jeté à la poursuite de Hadji Mourad. Mais nulle part il n’avait trouvé même ses traces. Il retournait déjà sans aucun espoir, quand, vers le soir, il avait rencontré un vieillard auquel il avait demandé s’il n’avait pas vu des cavaliers. Le vieillard répondit affirmativement : il avait vu six cavaliers tourner sur le champ de riz et se retirer dans la futaie où lui-même ramassait du bois. Karganoff, prenant avec lui ce vieillard, était retourné, et, à la vue des chevaux entravés, sûr que Hadji Mourad se trouvait là, la nuit venue