Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Depuis plus d’un jour Hadji Mourad n’avait rien mangé, cependant il ne prit qu’un peu de pain et de fromage, et tirant de dessous son poignard un petit couteau, il le plongea dans le miel qu’il étendit sur son pain.

— Notre miel est très bon. Cette année il y a beaucoup de miel et il est très bon, dit le vieux, visiblement content qu’Hadji Mourad ait pris de son miel.

— Merci, dit Hadji Mourad, et il s’éloigna des mets. Eldar aurait bien mangé davantage, mais, comme son chef, il s’éloigna de la table et présenta à Hadji Mourad la cuvette et la cruche.

Sado savait qu’en recevant Hadji Mourad il risquait sa vie, car depuis la querelle survenue entre Schamyl et Hadji Mourad, il était interdit à tout habitant de Tchetchnia, sous menace de mort, d’hospitaliser Hadji Mourad. Il savait que les habitants de l’aoul pouvaient d’un moment à l’autre apprendre la présence de Hadji Mourad dans sa maison et exiger qu’il le livrât. Mais cela non seulement ne troublait pas Sado mais le réjouissait. Pour lui c’était un devoir de défendre son hôte, dût cela lui coûter la vie, et il se réjouissait et était fier de lui, parce qu’il agissait comme il le devait.

— Tant que tu es dans ma maison et ma tête sur mes épaules, personne ne te fera rien, répéta-t-il à Hadji Mourad.

Hadji Mourad fixa sur lui ses yeux brillants,