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et lait, chevalier de la croix de Saint-Georges. Il était l’aîné d’une famille de vieux croyants ; il avait perdu son père étant enfant, et faisait vivre sa vieille mère, trois sœurs et deux frères.

— Fais attention, Nazaroff, ne le laisse pas aller loin ! lui cria l’officier.

— J’y veillerai, Votre Seigneurie ! répondit Nazaroff, et, se soulevant sur ses étriers, il partit au trot sur son grand hongre bai, en retenant le fusil derrière son dos.

Quatre cosaques allaient avec lui : Ferrapontoff, long, maigre, grand voleur, qui avait vendu la poudre à Gamzalo ; Ignatoff, qui terminait son service militaire, un paysan déjà plus jeune, vigoureux, et qui se vantait de sa force ; Michkine, tout jeunet, faible, et dont tout le monde se moquait ; enfin Pétrakoff, un jeune homme blond, fils unique, toujours calme et gai.

Le matin, il y avait eu du brouillard, mais, à l’heure du déjeuner, le temps s’était mis au beau et le soleil brillait sur les jeunes frondaisons de la forêt, sur l’herbe nouvelle, encore intacte, sur les champs de blé, et à la surface de la rivière rapide qu’on apercevait à gauche de la route. Hadji Mourad allait au pas, escorté de ses serviteurs et des cosaques.

Ils suivirent ainsi au pas la route qui passait derrière la forteresse. Chemin faisant, ils rencontraient des femmes avec des paniers sur la tête, des soldats dans des chariots, des charrettes grinçantes attelées de buffles. Après avoir ainsi