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XXIV

La seule consolation qu’avait Boutler, pendant tout ce temps, c’était la poésie de la vie guerrière à laquelle il s’abandonnait, non seulement pendant le service mais même dans la vie privée. Vêtu à la circassienne, il caracolait sur son cheval, et deux fois allait en embuscade avec Bogdanovitch ; mais ils ne prirent ni ne tuèrent personne. Sa liaison et son amitié avec le héros connu Bogdanovitch avaient pour Boutler quelque chose de très agréable et de très martial. Sa dette, il l’avait réglée en empruntant d’un juif à un taux énorme, c’est-à-dire qu’il avait seulement ajourné et un peu éloigné la difficulté inextricable, sans la résoudre. Il tâchait de ne pas penser à sa situation, et pour obtenir l’oubli, outre la poésie de la vie guerrière, il avait recours au vin. Il buvait de plus en plus, et, de jour en jour, devenait moralement plus faible. Maintenant il ne faisait plus le beau Joseph envers Marie Dmitriévna ; au contraire, il s’était mis à lui faire grossièrement la cour, mais, à son grand étonnement, il avait essuyé un refus des plus catégoriques, ce qui l’avait rendu fort honteux.