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tinnabuler leurs piécettes, circulèrent sans bruit dans leurs pantoufles rouges, souples, sans semelle de cuir, et placèrent devant les hôtes ce qu’elles avaient apporté, Sado et Hadji Mourad se turent. Eldar, ses yeux de brebis fixés sur ses jambes croisées, resta immobile comme une statue tant que les femmes se trouvèrent dans la cabane, et il ne respira à l’aise qu’après qu’eut disparu derrière la porte le bruit léger de leurs pas.

Hadji Mourad tira une cartouche de la cartouchière de sa tcherkeska, et, dans la gaîne restée vide, prit un billet qui s’y trouvait.

— Donne cela à mon fils, dit-il en montrant le billet.

— Où faudra-t-il apporter la réponse ? demanda Sado.

— Chez toi, et tu me la feras parvenir.

— Ce sera fait, dit Sado, et il glissa le billet dans une des gaines à cartouches de sa tcherkeska. Ensuite il prit la cruche et avança vers Hadji Mourad la cuvette. Hadji Mourad releva les manches de son bechmet au-dessus du poignet musclé de ses mains blanches et les plaça sous le jet d’eau froide, claire, que Sado lui versa de la cruche ; puis il les essuya avec une serviette propre, raide, et s’approcha des mets. Eldar fit la même chose. Pendant que ses hôtes mangeaient, Sado, assis en face d’eux, les remercia de leur visite. Le garçon, qui était assis près de la porte, fixait sur Hadji Mourad ses yeux brillants, noirs, et souriait, comme pour confirmer par ce sourire les paroles de son père.