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s’enfuir dans la montagne. Et, de jour en jour, ce désir s’était fortifié en lui. Maintenant, il voyait que Hadji Mourad désirait la même chose, et il en était heureux.

Quand Hadji Mourad se fut retiré, Gamzalo éveilla ses compagnons, et tous les quatre, durant toute la nuit, examinèrent les fusils, les pistolets, les chabraques, les briquets, remplaçant les mauvais, mettant de la poudre fraîche, aiguisant les sabres et les poignards, graissant de suif l’acier.

Avant l’aube Hadji Mourad alla de nouveau dans le vestibule pour prendre l’eau nécessaire à ses ablutions. Là on entendait encore plus fort et plus fréquemment que le soir les rossignols qui chantaient à plein gosier avant le lever du soleil ; et de la chambre des serviteurs arrivait le sifflement régulier de l’acier sur la pierre, des poignards qu’on aiguisait. Hadji Mourad prit de l’eau du seau, et déjà il approchait de sa porte quand il entendit dans la chambre de ses murides, outre le bruit de l’acier contre la pierre à aiguiser, la haute voix de Khanefi qui chantait une chanson bien connue.

Hadji Mourad s’arrêta et prêta l’oreille. Cette chanson disait comment le cavalier Gamzat, avec ses camarades, avait enlevé aux Russes un troupeau de chevaux blancs. Comment, après, les princes russes les avaient rejoints derrière le Térek et les avaient cernés avec une armée grande comme la forêt. La chanson disait encore comment Gamzat, après avoir tué les chevaux avec ses camarades,