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— La réponse sera celle que Dieu enverra. Allez !

Les émissaires se levèrent et partirent.

Hadji Mourad resta assis sur le tapis, les coudes appuyés sur les genoux. Il resta ainsi longtemps. Il se demandait ce qu’il fallait faire. « Croire Schamyl et retourner chez lui ? C’est un renard, il trompera. Et si même il ne trompe pas, on ne peut pas se soumettre à lui, à ce menteur roux. Cela est impossible, car, après que je suis venu chez les Russes, il ne se fiera pas à moi, » pensait Hadji Mourad. Et il se rappela ce conte taveline. Un faucon, ayant été capturé, vécut quelque temps chez les hommes. Ensuite, il retourna à la montagne chez les siens. Mais il portait aux pattes des entraves auxquelles étaient attachés des grelots. Et les faucons ne voulurent point l’accueillir. « Va-t’en là-bas où l’on t’a mis des grelots d’argent. Nous n’avons pas de grelots, nous n’avons pas d’entraves. » Le faucon ne voulait pas quitter ses parents et resta. Mais les autres faucons s’obstinaient à ne pas vouloir de lui, et ils le tuèrent à coups de bec.

« Ils me tueront ainsi, pensa Hadji Mourad. Rester ici, soumettre au tzar russe le Caucase, mériter la gloire, les honneurs, la richesse !… Cela est possible, pensa-t-il, se rappelant ses entretiens avec Vorontzoff et les paroles flatteuses du prince. Mais il faut prendre une résolution immédiate, sans quoi il fera périr ma famille. »

Hadji Mourad ne dormit pas de la nuit. Il réfléchissait.