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— Maintenant c’est pour deux semaines, dit Hadji Mourad en montrant dix doigts, puis quatre. — Donne.

— Tout de suite, dit le fonctionnaire en prenant une bourse dans sa sacoche. — Et pourquoi diable lui faut-il de l’argent ? dit-il en russe, pensant que Hadji Mourad ne comprenait pas.

Mais Hadji Mourad avait compris, et il regarda avec colère Kiriloff.

En sortant l’argent, celui-ci, qui désirait causer avec Hadji Mourad, afin de savoir ce qu’à son retour il devait dire au prince Vorontzoff, lui demanda, par l’interprète, s’il ne s’ennuyait pas ici.

Hadji Mourad regarda de côté, avec mépris, le gros petit homme, en civil et sans armes, et ne répondit rien. L’interprète répéta la question.

— Dis-lui que je n’ai pas à lui parler ; qu’il donne l’argent. Puis, ayant dit cela, Hadji Mourad s’assit devant la table, se préparant à compter l’argent.

Quand Kiriloff eut sorti de la bourse les pièces d’or, qu’il disposa en sept petites piles de chacune dix pièces (Hadji Mourad recevait cinq pièces d’or par jour), il les avança vers Hadji Mourad. Celui-ci fit glisser l’or dans la manche de sa tcherkeska, se leva, et, geste tout à fait inattendu, il donna un petit coup sur le crâne chauve du conseiller d’État, puis sortit de la chambre. Le conseiller d’État bondit et ordonna à l’interprète de dire qu’il n’ose pas se permettre cela, car il a un grade qui corres-