Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Le conduire et le ramener. Tu le pourras ?

— Oui.

— Tu le conduiras et tu retourneras dans la forêt. J’y serai.

— Tout sera fait, dit Bata, et il se leva, croisa les bras sur sa poitrine, s’inclina et sortit.

— Il faut aussi envoyer un homme à Tchekhi, dit Hadji Mourad au maître du logis, quand Bata fut sorti. – Voici ce qu’il faudra faire, continua-t-il en prenant un bouton de sa tcherkeska ; mais aussitôt il baissa la main et se tut, car il venait d’apercevoir deux femmes entrer dans la cabane. L’une était la femme de Sado, cette même femme pas jeune, maigre, qui avait posé les coussins. L’autre était une toute jeune fillette en pantalons rouges et bechmet vert ; une sorte de plastron fait de pièces d’argent lui couvrait toute la poitrine. À l’extrémité de sa natte noire, pas longue, mais épaisse, serrée, tombant entre ses épaules sur son dos maigre, était attaché un rouble en argent. Les mêmes yeux, noirs comme des cassis, que son père et son frère, éclairaient gaîment son visage jeune qui tâchait d’être sérieux. Elle ne regardait pas les visiteurs, mais on voyait qu’elle sentait leur présence.

La femme de Sado portait une table basse, ronde, sur laquelle se trouvaient du thé, des crêpes au beurre, du fromage, du pain coupé en tranches minces, et du miel. La fillette portait une cuvette, une cruche et des serviettes.

Tout le temps que les femmes, en faisant tin-