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avec le Coran et l’épée, je viendrai chez vous et vous conduirai contre les Russes. Et maintenant j’ordonne sévèrement de ne pas avoir, non seulement l’intention, mais la pensée même, de se soumettre aux Russes. »

Schamyl approuva cette proclamation, et l’ayant signée, résolut de l’envoyer dans tous les aouls.

Après cela, la discussion vint sur le cas de Hadji Mourad. Cette affaire était très importante pour Schamyl, bien qu’il ne voulût pas l’avouer. Il savait que si Hadji Mourad, avec son habileté, son courage, sa bravoure, avait été avec lui, il ne lui serait pas arrivé ce qui lui était arrivé maintenant à la Tchetchnia. Il était donc avantageux de se réconcilier avec Hadji Mourad et de profiter de nouveau de ses services. Mais si cela était impossible, en tous cas, on ne pouvait admettre qu’il donnât son aide aux Russes. C’est pourquoi, de toutes façons, il fallait le faire venir et le tuer. Le moyen pour cela était, soit d’envoyer un homme à Tiflis et le tuer là-bas, soit de l’appeler ici, et ici d’en finir avec lui. Pour le faire venir, il y avait un moyen : sa famille, et surtout son fils que Hadji Mourad, Schamyl le savait, aimait passionnément. Il fallait donc agir par le fils.

Quand les conseillers parlèrent de cela, Schamyl ferma les yeux et se tut.

Les conseillers savaient que quand Schamyl fermait ainsi les yeux, c’était qu’il écoutait la voix du prophète, qui lui indiquait ce qu’il fallait faire. Après un silence solennel de cinq minutes,