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savait que c’était un insuccès, que plusieurs aouls de Tchetchenz avaient été ruinés et incendiés, et que les Tchetchenz, peuple changeant et léger, hésitaient, — certains, surtout ceux qui se trouvaient les plus rapprochés des Russes, étaient déjà prêts à passer de leur côté. Tout cela était grave, et exigeait des mesures. Mais, en ce moment, Schamyl ne voulait penser à rien. Maintenant il ne désirait qu’une chose, le repos et le charme de la caresse d’une de ses femmes, sa favorite, Aminete, une jeune femme de dix-huit ans, aux yeux noirs et aux jambes agiles. Mais non seulement on ne pouvait penser à voir maintenant Aminete, qui était ici même, derrière la barrière qui séparait, dans la cour intérieure, la demeure des femmes de celle des hommes (Schamyl était même convaincu qu’au moment où il descendait de son cheval, Aminete, avec d’autres femmes, regardait par une fente de la barrière) ; non seulement on ne pouvait aller chez elle, mais même on ne pouvait tout simplement s’allonger sur les coussins et se reposer. Il fallait, avant tout, faire le rite exigé à midi, rite auquel il ne se sentait nullement disposé, mais qu’il ne pouvait négliger, vu sa situation de guide religieux du peuple. Négliger les rites lui était impossible, car leur accomplissement était pour lui aussi nécessaire que de s’alimenter chaque jouir. Il fit donc l’ablution et la prière, et, quand il eut terminé, il appela ceux qui l’attendaient.

Son beau-père et maître se présenta le premier.