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XVII

L’aoul détruit par l’incursion était ce même aoul où Hadji Mourad avait passé la nuit avant son ralliement aux Russes. Sado, chez qui s’était arrêté Hadji Mourad, s’apprêtait à partir avec sa famille dans la montagne au moment où les Russes s’approchèrent. Quand Sado retourna dans son aoul, il trouva sa cabane détruite, le toit enfoncé, la porte et les poteaux de la galerie brûlés et tout l’intérieur souillé. Et son fils, ce beau garçon aux yeux brillants qui regardait avec enthousiasme Hadji Mourad, était apporté mort, à la mosquée, sur un cheval bai : il avait été transpercé d’un coup de baïonnette dans le dos. La femme à la mine accorte qui avait servi le repas lors de la visite de Hadji Mourad, maintenant vêtue d’une chemise déchirée sur la poitrine, découvrant ses seins vieillis, pendants, les cheveux défaits, était penchée sur le cadavre de son fils, et, se déchirant jusqu’au sang le visage, ne cessait de hurler sa douleur. Sado, prenant une pelle et une pioche, alla avec ses parents creuser la tombe de son fils. Le vieux grand-père était assis près du mur de la cabane démolie ; il tailladait une