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l’aoul, se répandit une fumée acre, dans laquelle s’apercevaient des soldats qui retiraient des cabanes ce qu’ils y trouvaient, et, principalement, attrapaient et tuaient les poules que les montagnards n’avait pas réussi à emporter. Les officiers s’installèrent un peu à l’écart de l’aoul et déjeunèrent et burent du vin. Le caporal leur apporta sur une planche quelques rayons de miel.

On n’entendait pas du tout les Tchetchenz. Un peu après midi, on donna l’ordre de se retirer. La compagnie se rangea en colonne derrière l’aoul, et Boutler se trouva à l’arrière-garde. Aussitôt que les Russes se mirent en route, les Tchetchenz se montrèrent de nouveau et poursuivirent la compagnie en tirant sur elle des coups de feu.

Quand le détachement se trouva en terrain découvert, les montagnards se retirèrent. Boutler n’avait pas de blessés, et il se sentait dans la disposition la plus gaie et la plus réconfortante. Après que le détachement eut passé à gué la rivière traversée le matin, les soldats se répandirent sur les champs de maïs et les prairies, et les chanteurs de chaque compagnie se groupèrent en avant et les chants retentirent. « Regardez, regardez, les chasseurs, les chasseurs ! »… chantaient les soldats, et sous cette musique le cheval de Boutler marchait d’un pas allègre. Le chien de la compagnie, Tresorka, un chien poilu, gris, la queue relevée, avec l’air soucieux d’un chef, courait devant les soldats de Boutler. Quant à celui-ci, il sentait dans son âme le courage calme et la gaîté. La guerre se