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puis la fixation de récompenses à décerner à l’occasion de la nouvelle année à quelques personnes oubliées dans la première liste. Venait ensuite le rapport de Vorontzoff sur le ralliement de Hadji Mourad, et enfin une affaire désagréable : celle d’un étudiant de la faculté de médecine militaire, qui avait attenté à la vie d’un professeur.

Nicolas, sans mot dire, les lèvres pincées, en caressant de sa longue main blanche, ornée d’une seule bague d’or à l’annulaire, des feuilles de papier, écoutait le rapport de Tchernecheff sur le vol, sans quitter des yeux le front et le toupet du ministre.

Nicolas était convaincu que tous étaient des concussionnaires. Il savait qu’il fallait punir sans délai les intendants militaires, et il avait résolu de les faire incorporer tous dans des régiments comme simples soldats ; mais il savait aussi que cela n’empêcherait pas ceux qui seraient nommés à leur place, de faire la même chose. Le propre des fonctionnaires était de voler, et son devoir, à lui, consistait à les punir, et, bien que cela l’ennuyât fort, il s’en acquittait consciencieusement.

— Évidemment, chez nous, en Russie, il n’y a qu’un seul honnête homme, dit-il.

Tchernecheff comprit aussitôt que ce seul honnête homme en Russie était Nicolas lui-même, et il sourit approbativement.

— Il en est probablement ainsi, Votre Majesté ! dit-il.

— Laisse cela. Je mettrai la résolution après,