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d’Hélène Pavlovna qui, avec un valet habillé de rouge, s’approchait du perron Saltikovski. Hélène Pavlovna était pour lui la personnification de ces gens stupides qui discutent non seulement sur les sciences, la poésie, mais aussi sur la direction des hommes, s’imaginant qu’eux-mêmes sauraient se diriger mieux que lui, Nicolas, ne le faisait pour eux. Il savait qu’il avait beau les écraser, ces hommes paraissaient et reparaissaient de nouveau, et il se rappelait son frère Michel Pavlovitch, mort récemment. Et un sentiment de dépit et de tristesse le saisit. Il fronça subitement les sourcils, devint sombre, puis, de nouveau, se mit à marmotter les premiers mots qui lui venaient aux lèvres. Il ne cessa de marmotter ainsi que rentré au palais. Dans sa chambre il lissa devant la glace ses favoris, ses cheveux sur les tempes, sa perruque sur son crâne, redressa ses moustaches ; ensuite il passa dans le cabinet où il recevait les rapports. Il donna d’abord audience à Tchernecheff. À l’expression du visage, et principalement des yeux de Nicolas, Tchernecheff vit qu’aujourd’hui il était particulièrement de mauvaise humeur, et, connaissant l’aventure de la veille, il en comprit la raison. Nicolas salua froidement Tchernecheff, l’invita à s’asseoir et fixa sur lui ses yeux sans expression.

La première affaire faisant l’objet du rapport de Tchernecheff était celle d’un vol commis par des intendants militaires ; ensuite venait celle du déplacement des troupes à la frontière prussienne :