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pour atteindre le but auquel il pense jour et nuit, et dont la réussite le tranquilliserait et lui donnerait la possibilité d’agir pour notre profit et de mériter notre confiance. Il demande de l’envoyer de nouveau à Groznaia avec une escorte de vingt à trente cosaques courageux, qui lui serviraient pour se défendre contre l’ennemi, en même temps qu’ils seraient pour nous la garantie de la sincérité de ses intentions.

« Vous comprenez, cher prince, que tout cela me met dans l’embarras, puisque, quoiqu’on fasse, une grande responsabilité m’incombe. Il serait très imprudent d’avoir en lui une confiance absolue. Mais si nous voulions lui ôter tout moyen de fuite, nous devrions l’enfermer, et cela, selon moi, serait injuste et maladroit. Une telle mesure, dont la nouvelle se répandrait bientôt dans tout le Daghestan, nous nuirait beaucoup là-bas près de tous ceux — et ils sont nombreux — qui sont prêts à marcher plus ou moins ouvertement contre Schamyl et qui s’intéressent tant au sort que nous faisons au courageux et habile Iman qui s’est vu forcé de se rendre entre nos mains.

« S’il nous arrivait d’agir avec Hadji Mourad comme nous agissons avec les prisonniers, tout l’effet bienfaisant serait perdu pour nous. C’est pourquoi je pense que je ne pouvais agir autrement que je l’ai fait. Je sais cependant qu’on pourrait m’accuser de faute grave si Hadji Mourad voulait de nouveau s’en aller. Dans le service, et en présence d’affaires si embrouillées, il est difficile,