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dort pas la nuit, qu’il ne mange presque rien, qu’il prie tout le temps, et ne demande qu’une seule faveur : l’autorisation de se promener un peu à cheval avec quelques cosaques, seule distraction possible pour lui et exercice nécessaire à cause d’une habitude de longues années. Chaque jour il vient chez moi pour s’informer si je n’ai pas de nouvelles de sa famille, et il me prie de faire réunir tous les prisonniers que nous avons faits sur les différentes lignes et qui se trouvent à notre merci et de les proposer à Schamyl en échange de sa famille. Il ajoutera même, s’il le faut, un peu d’argent. Il y a des gens qui lui en donneront pour cela. Il me répète tout le temps : « Sauvez ma famille, et ensuite donnez-moi la possibilité de vous servir (le mieux, selon lui, serait sur la ligne de Lezguine), et si, au bout d’un mois, je ne vous ai pas rendu un grand service, punissez-moi comme vous le jugerez à propos. » Je lui ai répondu que tout cela me paraît très juste, et que, chez nous, plusieurs personnes n’auraient pas eu confiance en lui si sa famille restait dans les montagnes et non chez nous, comme otage ; que j’ai fait tout mon possible pour réunir sur nos frontières les prisonniers, et que, n’ayant pas le droit, d’après nos lois, de lui donner de l’argent pour le rachat, en plus de celui qu’il se procurera lui-même, je trouverai peut-être un autre moyen de lui venir en aide. Après cela je lui ai dit franchement mon opinion que Schamyl, en aucun cas, ne lui rendra sa famille que peut-être il lui promettra tout nettement le pardon absolu,