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aux montagnards. Sur le parquet était assis sur un manteau le roux et borgne Gamzalo, en bechmet graisseux et déchiré. Il fabriquait une bride, et, de sa voix rauque, disait quelque chose avec animation. À l’entrée de Loris Melikoff il se tut, et, sans faire attention à lui, continua sa besogne. En face de lui se tenait debout le joyeux Khan-Magom ; ses yeux noirs, sans cils, brillaient, et, montrant ses dents blanches, il répétait toujours la même chose. Le bel Eldar, les manches retroussées découvrant ses bras musclés, nettoyait la sangle d’une selle suspendue à un clou. Khanefi, le principal travailleur, qui administrait tout le ménage, ne se trouvait pas dans la chambre ; il préparait le dîner dans la cuisine.

— Qu’est-ce que vous discutez ? demanda Loris Melikoff à Khan-Magom, après l’avoir salué.

— Mais il ne cesse de vanter Schamyl, répondit Khan-Magom, en tendant la main à Loris Melikoff. Il dit que Schamyl est un grand homme, un savant, un saint, un brave.

— Comment se fait-il donc qu’il soit parti, s’il continue à le vanter ?

— Voilà, il s’en est allé et le vante, dit Khan-Magom les yeux brillants, en montrant ses dents.

— Pourquoi le regardes-tu comme un saint ? demanda Loris Melikoff.

— S’il n’était pas saint, le peuple ne l’écouterait pas, prononça rapidement Gamzalo.

— Ce n’est pas Schamyl qui est un saint, mais Mansour, répliqua Khan-Magom. Celui-ci était un