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sommes des soldats et rien de plus, continua Rostow exaspéré. On ordonne de mourir et l’on meurt !… et si l’on est puni, eh bien, tant pis, c’est qu’on l’a mérité !… ce n’est pas à nous de juger ! S’il plaît à notre souverain de reconnaître Napoléon comme Empereur, et de conclure avec lui une alliance, c’est qu’il faut que ce soit ainsi ; et si nous nous mettons à tout juger, à tout critiquer, il ne restera bientôt plus rien de sacré pour nous. Nous finirons par dire que Dieu n’existe pas, qu’il n’y a rien ! » ajouta-t-il en frappant du poing sur la table, et ses idées, tout incohérentes qu’elles paraissaient évidemment à ses auditeurs, étaient au contraire la conséquence logique et sensée de ses réflexions.

« Nous n’avons qu’une chose à faire : remplir notre devoir, nous battre et ne jamais penser, voilà tout ! s’écria-t-il en terminant.

— Et boire ! ajouta un des officiers, désirant éviter une querelle.

— Oui, et boire ! répéta avec empressement Nicolas. Eh ! garçon, encore une bouteille ! »


fin du premier volume.