« Comment cela va-t-il, cher ami ? lui dit-il.
— Comme tu vois, » répondit froidement Dologhow.
La chanson toujours vive et légère accompagnait d’une façon étrange la désinvolture comique de Gerkow et les réponses glaciales de son ex-camarade.
« Eh bien, t’arranges-tu avec tes chefs ?
— Mais oui, pas mal ; ce sont de braves gens : tu t’es donc faufilé dans l’état-major ?
— J’y suis attaché, je fais le service. »
Ils se turent tous les deux : « Le faucon est bien lancé et lancé de la main droite, » reprenait la chanson, et, en l’écoutant, on se sentait involontairement plein de confiance et de résolution.
Leur conversation aurait certainement changé de ton sans ce joyeux accompagnement :
« Les Autrichiens sont-ils battus ? Est-ce vrai ? demanda Dologhow.
— On le dit, mais qui diable peut le savoir !
— Tant mieux, répliqua brièvement Dologhow, en suivant la cadence.
— Viens chez nous ce soir, veux-tu ? nous aurons un pharaon !
— Vous avez donc beaucoup d’argent ?
— Viens toujours !
— Impossible. J’ai fait le vœu de ne jouer ni boire jusqu’à ce que j’aie regagné mon grade.
— Eh bien, alors ce sera à la première affaire.
— Eh bien ! alors, on verra !
— Viens tout de même : si tu as besoin de quelque chose, l’état-major t’aidera. »
Dologhow sourit :
« Ne t’occupe pas de moi ; je ne demanderai rien, je prendrai ce dont j’aurai besoin.
— Soit, c’était seulement pour…
— C’est ça, moi aussi c’était seulement pour…
— Adieu !
— Adieu !… »
Et bien haut et bien loin : « Là-bas, là-bas dans la patrie, » continuait la chanson, pendant que Gerkow éperonnait son cheval ; le cheval, couvert d’écume et galopant en mesure au son de la musique, dépassa la compagnie et rejoignit bientôt la haute calèche.