tés le prince Basile et la princesse Catiche. Se croyant obligée de la suivre, il se leva et la trouva aux prises avec l’aînée des nièces.
« Permettez-moi, madame, de savoir ce qui est et ce qui n’est pas nécessaire, disait Catiche de ce ton irrité qui rappelait le moment où elle avait fermé la porte avec colère.
— Chère princesse, reprenait Anna Mikhaïlovna avec douceur et en lui barrant le chemin… ce sera, je le crains, trop pénible pour votre pauvre oncle ; en ce moment il a si fort besoin de repos ; … lui parler des intérêts de ce monde, lorsque son âme est prête à… »
Le prince Basile, enfoncé dans un fauteuil, les jambes croisées selon son habitude, paraissait ne prêter qu’une médiocre attention au colloque des deux dames ; mais ses joues agitées en tous sens tressaillaient d’une émotion contenue.
« Voyons, ma bonne princesse, laissez faire Catiche ; le comte l’aime tant, vous savez ?
— Je ne sais pas même ce qu’il contient, reprit Catiche en se tournant vers lui et en désignant le portefeuille à mosaïque qu’elle tenait entre ses doigts crispés. Je sais seulement que le véritable testament est dans son bureau ; il n’y a là dedans que des papiers oubliés… »
Et elle fit un pas pour échapper à la princesse Droubetzkoï qui, d’un bond se retrouva sur son passage.
« Je le sais, chère et bonne princesse, répliqua-t-elle en saisissant le portefeuille avec une force qui prouvait sa ferme intention de ne point le lâcher ; chère princesse, je vous en conjure, ménagez-le ! »
Une lutte s’engagea entre elles. Catiche se défendait encore sans rien dire, mais on sentait qu’un torrent d’injures était prêt à couler de ses lèvres serrées, tandis que la voix doucereuse de son ennemie avait conservé tout son calme, malgré les violents efforts de la lutte.
« Pierre, mon ami, approchez, lui cria Anna Mikhaïlovna… Il ne sera pas de trop dans ce conseil de famille, n’est-ce pas, prince ?
— Eh quoi, mon cousin, vous ne répondez pas ? Pourquoi donc ce silence, quand Dieu sait quel monde vient se mêler de nos affaires, sans respecter le seuil de la chambre du mourant !… Intrigante ! » murmura-t-elle avec fureur, en tirant à elle le portefeuille.
La violence de son geste ébranla Anna Mikhaïlovna, qui fut entraînée en avant sans toutefois lâcher prise.