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Vous dites avec effroi : que serait-ce si nous, les Russes, cessions la guerre et donnions aux Japonais ce qu’ils veulent de nous ?

Mais s’il est juste que, pour sauver l’humanité de l’abrutissement, de la destruction mutuelle, il n’y a qu’une seule chose : le rétablissement parmi les hommes de la vraie religion qui exige d’aimer et de servir son prochain (sur cela il ne peut y avoir de désaccord), alors chaque guerre, chaque heure de cette guerre et ma participation à cette guerre ne font que rendre plus difficile et plus lointaine la réalisation de ce seul salut possible. De sorte que, même en se plaçant à votre point de vue très douteux — la définition des actes d’après les conséquences qu’on leur suppose — même alors, céder aux Japonais tout ce qu’ils désirent des Russes, outre le bien indiscutable de la cessation du pillage et du meurtre, serait s’approcher de l’unique moyen du salut de l’humanité, tandis que la continuation de la guerre, quelle qu’en soit l’issue, serait s’éloigner de ce moyen unique de salut.

Mais s’il en est ainsi, objecte-t-on à cela, alors les guerres ne peuvent cesser que quand tous les hommes, ou la plupart d’entre eux refusent d’y participer ? Et le refus d’un seul homme, soldat ou roi, lui fera perdre en vain sa vie, sans utilité pour n’importe qui. Si l’em-