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mutuel, ne peuvent cesser d’être des brutes ou des esclaves et aucun effort extérieur ne peut les tirer de cet état, parce que c’est la religion seule qui fait l’homme libre.

Et la majorité des hommes de notre temps en est privée.


VIII


Ne fais pas ce que ta conscience condamne et ne dis pas ce qui n’est pas conforme à la vérité. Observe ce précepte le plus important, et tu as résolu tout le problème de la vie.

Personne ne peut violer ta volonté : il n’y a pour elle ni brigand ni voleur. Ne désire pas des choses invraisemblables. Souhaite le bien général et non, comme la plupart des hommes, le bien personnel. Le but de la vie n’est pas d’être du côté de la majorité, mais de ne pas tomber au rang des fous…

Souviens-toi qu’il y a Dieu qui ne désire ni louanges ni gloire humaine de la part des hommes faits à son image, mais il désire que les hommes, se guidant par la raison qui leur est donnée, lui ressemblent par leurs actes. Le figuier remplit sa destination, le chien, l’abeille aussi. Et l’homme ! Est-ce qu’il ne remplit pas sa destination ? Mais, hélas ! ces grandes vérités saintes disparaissent de la mémoire : l’agitation de la vie quotidienne, la guerre, la peur irraisonnable, la faiblesse de l’esprit et l’habitude d’être esclave les étouffent ! Le rameau coupé à son nœud par cela même est séparé de tout l’arbre ; l’homme qui se querelle avec un autre homme s’arrache de toute