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quoi le but personnel, social et même humain, que je puis me donner, ou ceux que les hommes peuvent me proposer, vu la brièveté de ma vie et l’éternité de la Vie de l’univers, sont minimes et doivent être subordonnés à ce but supérieur pour l’atteinte duquel je suis envoyé en ce monde. Ce but final, par cela que je suis borné, m’est inaccessible, mais il existe (comme doit exister le but de tout ce qui est) et mon rôle est d’être son instrument, c’est-à-dire que ma destination est d’être l’ouvrier de Dieu dans l’accomplissement de son œuvre. »

Et après avoir compris ainsi sa destination, chaque homme de notre monde et de notre temps, depuis l’empereur jusqu’au soldat, ne peut envisager autrement les devoirs qu’il s’est imposés lui-même ou que les hommes lui ont imposés.

L’empereur doit se dire : « Avant qu’on m’ait couronné, avant qu’on m’ait reconnu empereur, avant que je me sois engagé à remplir mes devoirs de chef d’État, par le fait même que je vis, je devais remplir ce que voulait de moi cette Volonté supérieure qui m’a envoyé dans le monde. Ces exigences, non seulement je les connais, mais je les sens dans mon cœur. Elles consistent, comme il est exprimé dans la loi chrétienne que je professe, à me soumettra à la Volonté de Dieu et à remplir ce