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au pillage et au meurtre ? » tous répondent toujours qu’ils agissent ainsi au nom de la patrie et de la religion, ou du serment, ou de l’honneur, ou de la civilisation ou du bien futur de toute l’humanité, en général, au nom de quelque chose d’abstrait, d’indéfini. En outre, tous ces hommes sont toujours si occupés des préparatifs de la guerre, ou des dispositions à prendre, ou des discussions à propos de la guerre, qu’a tout autre moment ils ne pensent qu’à se reposer de leurs travaux, et n’ont pas le temps de s’occuper de raisonner sur leur propre vie, trouvant d’ailleurs ces raisonnements stériles.


V


La pensée recule devant une catastrophe qui apparaît au haut du ciel comme le terme du progrès de notre ère, et il faut s’y habituer pourtant ; depuis vingt ans toutes les forces du savoir s’épuisent à inventer des engins de destruction, et bientôt quelques coups de canon suffiront pour abattre une armée ; on a mis sous les armes, non plus comme autrefois, des milliers de pauvres diables dont on payait le sang, mais des peuples entiers qui vont s’entr’égorger…, pour les préparer au massacre. On attise leur haine en les persuadant qu’ils sont haïs ; et des hommes doux se laissent prendre au jeu, et l’on