gouvernement prend deux milliards de roubles, croient nécessaire de faire la même chose et donnent aussi leur obole. Le gouvernement excite et encourage la foule des vauriens oisifs qui, se promenant dans les rues avec le portrait du tzar, chantent, crient hourra, et, sous couleur de patriotisme, causent toutes sortes de désordres. Et dans toute la Russie, du palais impérial au dernier village, les pasteurs de l’Église qui se dit chrétienne, invoquent Dieu, — ce Dieu qui ordonne d’aimer ses ennemis, le Dieu d’amour, — pour aider à l’œuvre diabolique, pour aider au meurtre des hommes. Et des centaines, des milliers d’hommes en uniforme, et avec divers engins de meurtre — la chair à canon — affolés par les prières, les sermons, les appels, les processions, les images, les journaux, avec l’angoisse au cœur, mais une bravoure apparente, quittent parents, femmes, enfants, vont là où, en risquant leur vie, ils commettent l’acte le plus terrible : le meurtre d’hommes qu’ils ne connaissent pas, et qui ne leur ont fait aucun mal. Et derrière eux, suivent des médecins, des sœurs de charité, qui vont là, supposant, on ne sait pourquoi, que chez eux, ils ne peuvent secourir les gens simples et pacifiques qui souffrent, mais qu’ils peuvent secourir seulement ceux qui sont occupés du meurtre.
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