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encore maintenant : il résulte des comptes rendus du procureur général de Saint-Synode que les gens du peuple spirituellement les plus développés, malgré tous les désavantages et les dangers qu’ils encourent en s’écartant de l’orthodoxie, passent de plus en plus aux sectes ; 2o s’il était vrai que l’orthodoxie est le propre du peuple russe, il ne serait pas besoin de défendre avec tant de force cette forme de la croyance et de persécuter si cruellement ceux qui la nient.

Quant à l’autocratie, si elle a convenu au peuple russe quand ce peuple regardait le tsar comme un Dieu terrestre et infaillible, dirigeant seul le peuple ; maintenant il n’en est plus ainsi, car tous savent ou apprennent, aussitôt qu’ils reçoivent une teinte d’instruction : 1o qu’un bon roi n’est qu’un hasard heureux, que les rois peuvent être et furent des tyrans ou des fous, comme Ivan IV et Paul, et 2o que si bon et si sage que soit le tsar, il ne peut diriger lui-même un peuple de cent millions d’hommes, que ce sont les proches du tsar qui dirigent le peuple et qu’ils se soucient beaucoup plus de leur propre situation que du bien du peuple.

Vous direz : le tsar peut choisir pour aides des hommes désintéressés et bons. Malheureusement, le tsar ne peut pas le faire, parce qu’il ne connaît que quelques dizaines d’hommes qui,