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XIII. — Ces conceptions paraissent différentes ; en réalité, elles ne sont qu’une seule et même conception : celle de la reconnaissance de soi-même comme un être moral enfermé en certaines limites. La reconnaissance de la vie comme un être dans l’espace et d’une existence temporaire, ce n’est que la pensée inachevée.

La reconnaissance de soi-même comme être séparé de tout n’est possible que pour un être moral. C’est pourquoi la vie est toujours la vie d’un être moral, et l’être moral ne peut être ni dans l’espace ni dans le temps.

XIV. — Ainsi, est-ce une erreur de la pensée de reconnaître l’existence temporaire, matérielle de l’homme, comme toute sa vie ; c’est reconnaître la partie pour le tout, la conséquence pour la cause, c’est une erreur de la pensée analogue à celle de reconnaître le jet et non la rivière entière pour la force qui fait mouvoir la roue du moulin.

XV. — La différence entre reconnaître comme la vie un principe moral immuable, ou sa manifestation dans les limites où elle se produit, fut toujours faite par tous les maîtres religieux. La doctrine de l’évangile est basée sur cette explication de la différence des deux conceptions de la vie : la vraie vie, la vie de l’esprit ; la vie fausse, la vie charnelle temporaire.