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dre le sang innocent, leurs pensées sont des pensées d’iniquité ; la ruine et la désolation sont dans leurs voies.

Ils ne connaissent point le chemin de la paix, et il n’y a point de justice dans leurs voies ; leurs sentiers sont des sentiers détournés ; tous ceux qui y marchent ne connaissent point la paix.

C’est pourquoi le jugement s’est éloigné de nous, et la justice ne vient point jusqu’à nous : nous attendions la lumière et voici les ténèbres ; la splendeur, et nous marchons dans l’obscurité.

Nous allons à tâtons comme des aveugles le long de la muraille ; nous allons à tâtons comme ceux qui sont sans yeux ; nous avons bronché en plein midi comme sur la brune, et nous avons été dans des lieux désolés comme des morts (Isaïe, LIX, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10.)


La guerre est plus vénérée que jamais. Un artiste habile en cette partie, un massacreur de génie, M. de Moltke, a répondu, un jour, aux délégués de la paix, les étranges paroles que voici :

« La guerre est sainte, d’institution divine ; c’est une des lois sacrées du monde ; elle entretient chez les homme tous les grands, les nobles sentiments : l’honneur, le désintéressement, la vertu, le courage et les empêche, en un mot, de tomber dans le hideux matérialisme. »

Ainsi, se réunir en troupeaux de quatre cent mille hommes, marcher jour et nuit sans repos, ne penser à rien, ni rien étudier, ni rien apprendre, ni rien lire, n’être utile à personne, pourrir dans sa saleté, coucher dans la fange, vivre comme des brutes dans un hébétement continu, piller les villes,